Chapitre 2
L'humour visuel
2.1 Définir l’humour
2.2 La théorie de l’incongruité ou quand quelque chose ne tourne pas rond
2.3 La théorie de supériorité ou rire en montrant du doigt
2.4 Les fonctions de l’humour
2.5 L’humour et l’art
L'HUMOUR VISUEL
2.1 Définir l'humour
L'humour est le fil conducteur qui relie toutes mes peintures. Parfois ténu, parfois évident, il se dévoile de plusieurs manières. Il agit comme filtre plutôt qu'élément central et teint les sujets choisis de mes tableaux. Souvent, je l'extrais d'une image pour ensuite mieux l'extrapoler, sinon je l'invente. L'humour est quelque chose d’anodin, de quotidien et de simple à percevoir. N'empêche, il est plutôt ardu de l'expliquer puisqu'il n'existe pas de théorie universelle pour le définir. Telle une blague qui doit être expliquée pour être comprise, l'humour doit être traité avec légèreté. Il faut donc faire preuve de prudence lorsque vient le temps de conceptualiser l'humour qui, pour être efficace, doit demeurer amusant et ludique. Plusieurs théoriciens ont pourtant tenté d'expliquer l'humour, le rire, ainsi que ses formes et ses fonctions. Pour bien comprendre l'humour, il importe de considérer toutes les théories, car elles sont complémentaires; prises indépendamment, elles n'expliquent pas toutes les facettes de l'humour. Cependant, il serait ambitieux de passer en revue toutes les théories pertinentes. Dans ce mémoire, j'ai préféré me concentrer sur les aspects théoriques les plus pertinents au type d'humour que j'exerce dans ma peinture, soit les théories de l'incongruité et de supériorité ainsi que les différentes couleurs associées à l'humour. Avant d'approfondir les théories pertinentes à ma pratique, un bref survol de ce qu'est l'humour de façon générale s'impose tout de même.
L'étymologie du mot « humour » viendrait de son homonyme anglais, lui-même provenant du français « humeur ». Le mot humeur viendrait quant à lui du latin « humour » signifiant « liquide, fait d'être mouillé » (Humeur, sans date) et se rattache à la théorie des humeurs. Sommairement, les quatre humeurs du corps humain, soit le sang, le flegme (ou pituite), la bile jaune et la bile noire (ou atrabile) doivent être parfaitement équilibrées pour assurer la bonne santé du corps. Lors d'un dérèglement, les médecins devaient extraire l'humeur en question (par vomissement, saignées, etc.). On peut établir un lien avec l'humour, car celui-ci peut « s'extraire » du corps sous forme de secousses ou de bruits causés par le rire. Tout comme les humeurs liquides, il échappe à notre contrôle et glisse; il est immatériel et immaîtrisable. Un autre parallèle a été pensé entre la théorie des humeurs et l'humour; il s'agit d'attribuer un type d'humour à chacune des humeurs (par exemple, l'humour jaune serait attribué à la bile jaune). Ceci m'a poussée à me demander s'il y avait d'autres couleurs que le noir et le jaune. Il s'avère qu'il y en a dix, mais c'est l'humour vert, bleu et rose qui semblent teinter ma pratique comique. Un humour vert implique une fausse naïveté et trouve
[…] son inspiration dans le monde enfantin caractérisé par l'ingénuité, par une beauté simple et imaginaire, par le plaisir du jeu. […] La couleur verte symbolise la fraîcheur, la jeunesse, le début, mais aussi l’imperfection et l’inachèvement. […] le comique vert nous amène dans la réalité bien qu’imaginaire, mais souvent d’une ambiance spontanément positive et amusante. (Polťáková, 2011)
L'humour rose utilise l'atténuation afin « de rendre la réalité plus agréable et par conséquent plus acceptable. » (Polťáková, 2011) Il ne cherche pas exagérer la réalité, mais de montrer « la nuance positive d’une situation ou d’un fait apparemment malheureux […]. » (Polťáková, 2011) Finalement, l'humour bleu relève du fantastique et de l'absurde et « consiste à présenter, ce qui ne va pas de soi comme allant de soi. » (Polťáková, 2011) En effaçant la frontière entre le réel et l'irréel, il s'efforce de nous présenter un monde utopique. J'alterne et je mélange ces trois couleurs, qui selon moi, viennent se complémenter. Ils ont, contrairement à l'humour noir et jaune, un aspect inoffensif et léger. Certes, certains de mes sujets peints sont assez étranges, voire légèrement inquiétants et inconfortables, mais ils sont amenés de manière légère et badine.
2.2 La théorie de l'incongruité ou quand quelque chose ne tourne pas rond
La théorie de l'incongruité est une approche intellectuelle, c'est-à-dire qu'elle explique l'humour par un « processus complexe [de] résolution de problème cognitif, qui mobilise de manière intense et subtile l’intelligence et la perception. » (Chabanne, 2002) Cette approche amène donc le regardeur à interagir avec l’oeuvre humoristique et à réfléchir afin de tenter de « résoudre » le problème qui lui est présenté. Si la solution ne peut être trouvée, il s'agit alors de non-sens, d'absurde. Emmanuel Kant (1790/2015), qui est un des précurseurs de cette théorie, l'expliquait dans Critique de la faculté de juger :
Il faut qu'il y ait, dans tout ce qui doit provoquer un rire vif et éclatant, un élément absurde (ce qui fait par conséquent que l'entendement, en soi, ne peut trouver ici aucune satisfaction). Le rire est un affect procédant de la manière dont la tension d'une attente se trouve soudain réduite à néant.
Il s'agit donc, selon Kant, d'être face à un élément absurde et de tenter d'en trouver un sens logique. C'est alors que le rire émerge du fait que nous ne trouvions pas de « solution » à l'incongruité. On s'attend à un résultat et autre chose arrive à la place, sans toujours réussir à l'expliquer. L'incongruité amuse, car elle surprend et propose un élément (ou une scène) qui déroge du familier et du convenu. Il surprend et nous sort de l'ordre établi et du normatif.
C'est le type d'humour qui se rattache le plus à mon travail, car en utilisant l'incongruité, je peux redéfinir certains aspects du quotidien. Les choses banales et anodines peuvent alors apparaître sous un nouveau jour. Il suffit, par exemple, d'en détourner des éléments en venant changer leur sens ou en les associant avec des éléments disparates.
L'absurde est une autre catégorie d'humour, que je décrirais comme étant une sous-catégorie de l'incongruité. Le mot « absurde » vient du latin « absurdus » qui signifie « dissonant » ou « nonsense » chez les anglophones. Selon la définition qu’en fait le Larousse, l'absurde représente quelque chose « qui est contraire à la raison, au sens commun, qui est aberrant, insensé » (Absurde, sans date) ou en parlant de la condition de l'homme, les existentialistes la « jugent dénuée de sens, de raison d'être » (Absurde, sans date). L'humour absurde m'intéresse grandement, car il est d'abord incompréhensible et ne fait pas de sens. Puis, par son désir éperdu de clarté, l'homme tente de faire du sens et à comprendre ce qui se présente à lui. Mais il est impossible de résoudre la chose absurde proposée ou de lui trouver un sens; il n'y a pas de conclusions possibles. Elle devient donc humoristique et face à cette chose irrésolue, mais inoffensive, le rire peut ainsi émerger.
2.3 Théorie de supériorité ou rire en montrant du doigt
Contrairement à la théorie de l'incongruité, qui est plus intellectuelle, la théorie de supériorité revêt un aspect plus social et joue sur le rapport que nous entretenons avec les autres. C'est en faisant ressortir les défauts et les erreurs (plus spécifiquement celles commises par l'humain) que le rire peut éclater et ainsi dévoiler notre sentiment de supériorité envers l'autre. Comme le disait Thomas Hobbes (2002) dans De la nature humaine :
On pourrait donc en conclure que la passion du rire est un mouvement subit de vanité produit par une conception soudaine de quelque avantage personnel, comparé à une faiblesse que nous remarquons actuellement dans les autres, ou que nous avions auparavant ; les hommes sont disposés à rire de leurs faiblesses passées lorsqu'ils se les rappellent, à moins qu'elles ne leur causent un déshonneur actuel.
En remarquant une quelconque faiblesse chez autrui, le regardeur pourra s'esclaffer à son détriment, puisque cette erreur a le potentiel de lui rappeler les siennes. Il aura ensuite assez de distance pour en rire, à condition que cette faiblesse soit chose du passé, sinon, le regardeur doit être doté d'une bonne dose d'autodérision. Il faut impérativement qu'il y ait un certain détachement entre le regardeur et le sujet afin de susciter le rire.
2.4 Les fonctions de l'humour
La fonction première de l'humour, outre divertir, est de « nous fournir […] plus d'instructions que la vie réelle. » (Bergson, 1900/1975) C'est-à-dire, qu'il sert à nous faire voir sous un nouvel angle un détail souvent imperceptible de notre quotidien afin de nous amener à réfléchir sur le statu quo et à y apporter des changements, et ce, même si ce n'est qu'au niveau de notre perception. Mon approche n'est ni militante ni politique; elle est plutôt candide et utopique. Je ne cherche pas à imposer une vision unidirectionnelle de notre réalité, ni à condamner certains éléments problématiques, mais plutôt à amener le regardeur à noter l'imperceptible et à remarquer l'ineffable. Pour ce faire, j'utilise une douce moquerie, je fais des comparaisons rigolotes ou je ris des petits malheurs des autres, mais toujours avec optimisme et dérision. « Toute petite société qui se forme au sein de la grande est portée ainsi, par un vague instinct, à inventer un mode de correction et d'assouplissement pour la raideur des habitudes contractées ailleurs et qu'il va falloir modifier. » (Bergson, 1975) L'humour agit donc comme une forme de défense, ramollissant les codes trop rigides et apportant de l'allégresse grâce au rire afin de mieux lutter contre les inepties du monde. Il cherche plus à opérer un basculement dans la perception de la réalité que de réellement changer celle-ci.
L'humour est un domaine trop vaste pour en faire le sujet de mes tableaux. Afin de créer un corpus cohérent et pertinent, il m'importe de centrer le sujet de mes toiles plus spécifiquement sur le thème de l'erreur. Mais il reste que « la comédie est bien un jeu, un jeu qui imite la vie » (Bergson, 1975), je peux donc m’autoriser à jouer avec mon sujet, en m'assurant de le rattacher sous un thème englobant, car l'humour est un moyen de (dé)jouer la réalité. C'est pourquoi j'ai choisi un sujet plus spécifique, soit l'erreur. Tragi-comique, l'erreur peut faire rire si elle se présente sous la forme d'une chute ou d'un accident sans conséquence désastreuse, mais si elle tombe dans le domaine de l'inquiétant ou si elle devient mortelle, l'erreur devient tragique. Ce thème, que j'aborderai plus en détail dans le prochain chapitre, est ambivalent et me permet de traiter sa polysémie avec humour et liberté. Les erreurs les plus tragiques pourront quant à elles être abordées par la subversion, l'inversion ou le retournement afin de les rendre plus supportables. Grâce à ces procédés humoristiques, je peux créer une certaine distance qui rend le rire plus propice. C'est pourquoi je choisis des images chargées d'ambivalence ou d'incongruité pour la réalisation de mes peintures. Elles sont celles que je juge avoir le plus de potentiel de transformation.
2.5 L'humour et l'art
Afin de bien comprendre comment l'humour prend forme dans l'art, j'ai tenté d'analyser les oeuvres humoristiques d'artistes contemporains. Parmi les artistes qui l'utilisent réellement, plusieurs sont trop éloignés de ma pratique artistique et de mes intérêts. Ils utilisent soit un médium que je peux difficilement rattacher à ma pratique de peinture figurative ou leur approche de l'humour diverge de la mienne. J'ai trouvé bon nombre d'artistes performatifs ou médiatiques qui abordent un humour semblable au mien dans leur pratique. Cependant, leur humour se rapproche trop du théâtre ou du cinéma, par l’usage de mouvements du corps, de sons ou de voix. Ces oeuvres, qui se construisent dans le temps et l'espace dans une prolifération de scènes performées, se différencient trop de la peinture. J'ai donc écarté tous les artistes non bidimensionnels comme repère artistique humoristique ou comme inspiration. J'ai plutôt choisi de me tourner vers des oeuvres picturales que je jugeais humoristiques pour construire mon argumentation et pour identifier comment l'humour prend forme dans mes tableaux. Si je regarde du côté des artistes qui emploient l'humour dans leurs oeuvres, nombreux sont ceux qui l'utilisent comme outil politique, tels que le duo artistique Jake et Dinos Chapman, pour qui l'humour sert à critiquer l'univers social et bousculer les moeurs des plus sensibles. Je trouve difficile de me rattacher à leur vision de l'humour et aux sujets qu'ils choisissent. Certes, nous partageons l'idée que « la vie [est] absurde » (Cloutier, 2014), donc autant en rire. Dinos Chapman décrit sa sculpture Fuck Face réalisée en 1994 comme suit :
Un mannequin d'enfant avec un pénis sur son nez. Pour prendre cela au sérieux, vous devez sérieusement limiter vos facultés mentales. Essentiellement, ce qui relie tout ensemble, c'est l'humour — le type d’humour le plus sombre qui soit. Parce que c’est comme ça que vous vous défendez de l’horreur. (Macellari, 2015) (traduction libre)
Je considère qu'il est plutôt juste que l'humour sert de bouclier face aux horreurs de la vie. A contrario, mon approche plus légère cherche à soulever les petites erreurs — certaines plus tragiques que d'autres — qui peuvent survenir au quotidien. Le tout, dans le but de relativiser ; rien ne sert de s'en faire! Tout n'est pas dichotomique et l'humour n'est pas complètement rose ; « Il y a une mince ligne qui sépare le rire et la douleur, la comédie et la tragédie, l'humour et le mal. » (Bombeck, 1985) (traduction libre) C'est en relief au drame que l'humour définit ses contours, car c'est par opposition et donc comparaison que l'humour apparaît. C'est parce que l’on connaît le revers de la chose drolatique, du fait que tout peut basculer à tout instant et devenir son contraire, que le rire émerge. On rit parce que ça a le potentiel d'être vrai. « La source secrète de l'humour n'est pas la joie, mais le chagrin; il n'y a pas d'humour au ciel. » (Twain, tel que cité par Roeckelein, 2002) (traduction libre) Dans une société parfaite, tout comme au paradis, l'humour serait absent, car il existe en parallèle avec les absurdités et les malheurs terrestres.
Pour être drôle, l'humour visuel contenu dans une image bidimensionnelle se doit de « mettre en place la blague et de livrer le punch en même temps. » (Eler et Huntsberger, 2017) (traduction libre) Ceci constitue tout un défi, considérant que cet humour doit aussi être artistique. L'humour doit également avoir un élément de surprise afin de subvertir les attentes du regardeur tout en étant assez ludique pour l'amuser. Un artiste qui semble réussir cet exploit est Eric Yahnker. Il cherche à créer un « intellectualisme grossier ou un élégant slapstick » (Yahnker, 2015) (traduction libre) dans ses dessins humoristiques et parfois controversés. Il a précédemment fait des études en journalisme et il souhaitait devenir caricaturiste politique. Il a bifurqué vers le domaine de l'art, mais il continue à se moquer des politiciens et des célébrités. Pour lui, ses oeuvres doivent se comprendre d'un coup d'oeil; l'humour doit donc être facilement et rapidement saisi par le regardeur. Ce qu'il recherche avec ses dessins est divers : « Parfois j'ai besoin d'un exutoire pour ventiler, parfois j'ai juste envie de rire, et parfois j'ai envie de trouver de la beauté. Dans le meilleur des cas, je trouve tous ces attributs (et plus) en un seul coup. » (E. Yahnker, communication personnelle, 25 février 2020) Quoiqu'il en soit, son humour est direct et impossible à rater.
Figure 2.1 : Eric Yahnker, Kurt n' Son, 2015, crayons de couleur sur papier, 99,06 cm x 99,06 cm
Un parallèle possible entre l'humour et l'art est que tous deux ont besoin d'un public. Ils sont relationnels et ils cherchent à communiquer et à établir des liens. En créant de l'art humoristique, cette relation est multipliée; je cherche donc à communiquer avec le regardeur, mais aussi à l'amuser et à le faire rire. Il s'établit une sorte de conversation entre l'artiste et le regardeur. L'artiste doit créer une forme de complicité avec le regardeur, car l'humour « est la résultante du jeu qui s’établit entre les partenaires de la situation de communication et les protagonistes de la situation d’énonciation. » (Charaudeau, 2016) En d'autres mots, l'humour ne réside pas seulement dans l'oeuvre d'art, mais aussi dans sa relation avec son public. En ce sens, le regardeur occupe donc un rôle important; il est à la fois le complice et le récepteur. L'humour crée une relation triadique entre le locuteur (dans ce cas-ci, l'humoriste-artiste), le destinataire (le regardeur) et la cible (ce qui est drôle). Par contre il peut arriver que le locuteur soit aussi la cible et une forme d'autodérision survient. Ou alors, le destinataire occupe en même temps le rôle de la cible; il faut ainsi espérer qu'il ait le sens de l'humour pour se laisser ainsi moquer par le locuteur. Mais pour que le locuteur et le destinataire soient tous les deux la cible en même temps, ils doivent partager des caractéristiques ou défauts semblables. Dans les deux cas, que le destinataire occupe un rôle simple ou double, je l'invite à entrer en connivence avec moi et à être le « témoin de l'acte humoristique » (Charaudeau, 2016) présent dans mes peintures. En agissant comme complice, le destinataire « est appelé à partager la vision décalée du monde que propose l’énonciateur [ou locuteur], ainsi que le jugement que celui-ci porte sur la cible. » (Charaudeau, 2016) C'est donc par la transformation d'une vision normée de notre réalité par le biais de dédoublements, de multiplications, de juxtapositions et de discordances que je cherche à amener le regardeur (ou destinataire) à changer sa perception de notre monde. J'amène le regardeur dans « un univers qui n'est pas pour de vrai, un univers de jeu qui suspend provisoirement le malheur. » (Charaudeau, 2016) C'est aussi ce que l'on appelle la suspension consentie de l'incrédulité. Car dans l'humour tout comme dans l'art, on ne recherche pas à imiter ou à remplacer le réel, mais plutôt de le représenter sous un angle différent. Appliquée aux oeuvres de fiction telles que la littérature, le théâtre ou l'art sous toutes ses formes, cette expression « décrit l’opération mentale effectuée par […] le spectateur […] qui accepte, le temps de la consultation de l'oeuvre, de mettre de côté son scepticisme. » (Suspension consentie de l’incrédulité, sans date) En d'autres mots, il reconnaît que ce qui lui est présenté est fictif, mais décide de jouer le jeu du locuteur et d'accepter comme réel ce qui se présente à lui. Je crois avec optimisme que le regardeur, suite à l'observation d'une oeuvre, pourrait changer son interprétation personnelle de la cible représentée dans ladite oeuvre. Ou plus simplement, accepter d'être dans un état de suspension consentie de l'incrédulité afin de pouvoir apprécier, le temps de regarder l'oeuvre, ce qui se présente à lui. C'est justement cet état d'esprit que je cherche à créer chez le regardeur ; soit la suspension des idées empiriques de la réalité et de redéfinir le statut péjoratif de l'erreur.
Cependant, afin de créer des oeuvres qui seront perçues comme humoristiques, il est primordial de tenir compte du type de regardeurs qui les regardera. Car l'humour n'est pas toujours universel. Il s'adresse parfois à une catégorie précise de personnes et peut donc ne faire rire que ceux qui en comprendront les codes. Faisant souvent référence à la culture web dans mes peintures, je m'adresse donc principalement à un groupe de personnes jeunes et qui connaissent les référents Internet auxquels je fais allusion. Par contre, d'autres de mes peintures peuvent faire rire un plus grand éventail de gens étant donné le caractère plus universel de l'humour qui s'y retrouve.
Quoi qu'il en soit, théoriser sur l'humour m'a semblé contraire à sa logique; expliquer une blague c'est la tuer. Mais mes lectures sur le sujet m'ont permis de mieux comprendre ses mécanismes et les formes que le comique peut prendre. Aussi, j'ai longtemps pensé que le monde de l'art contemporain considérait que les oeuvres provoquant le rire ne pouvaient pas être le fruit d'une pratique artistique sérieuse. Mais mes lectures sur l'art et l'humour ont heureusement contredit ce préjugé. Il est assurément ardu de créer des peintures désopilantes, mais c'est un défi qui est fort plaisant. Ironiquement, si j'échoue à cette tâche, j'aurai quand même accompli un autre élément de mon mémoire, soit l'erreur que j'aborde dans le dernier chapitre de mon mémoire. Pour finir, je terminerai mon dernier chapitre en mettant en parallèle les trois thèmes abordés précédemment; soit l'Internet, l'humour et l'erreur.